Après deux années de crise énergétique marquées par une volatilité sans précédent, le marché européen retrouve une forme de stabilité. Mais derrière cette accalmie apparente, une transformation profonde est à l’œuvre. Les entreprises doivent désormais composer avec des prix encore incertains, un cadre réglementaire renforcé et des attentes croissantes en matière de transition énergétique.
Selon les analyses croisées de l’Ofgem (Royaume-Uni), de la Commission européenne et du bilan énergétique français 2024, les stratégies d’achat d’énergie évoluent autour de trois priorités:
- maîtriser durablement les coûts
- structurer la décision grâce à la donnée et à l’expertise
- intégrer la décarbonation comme moteur de compétitivité.
Maîtriser coûts et consommation : vers une énergie pilotée
En Europe comme en France, la période 2022-2023 a été un choc. Les hausses de prix ont contraint de nombreuses entreprises à revoir leurs contrats, leurs habitudes et parfois même leurs investissements. Mais cette crise a eu un effet vertueux : elle a accéléré la maturité énergétique des entreprises.
Le bilan énergétique français 2024 souligne que la consommation finale est restée stable malgré les prix élevés, tandis que la production primaire a progressé de +9,9 %, portée par la reprise du nucléaire et des énergies renouvelables.
Dans l’ensemble de l’Union européenne, la Commission européenne observe une réduction moyenne de la consommation d’environ 10 % depuis 2022, sans baisse équivalente de la production industrielle — preuve d’un gain d’efficacité.
Selon le rapport Ofgem 2024, près de 80 % des entreprises interrogées déclarent suivre activement leurs dépenses énergétiques, contre 61 % un an plus tôt.
Les leviers les plus courants incluent :
- la renégociation proactive des contrats
- la digitalisation du suivi pour détecter dérives et gaspillages
- les audits énergétiques intégrés à la planification budgétaire
- et la sensibilisation des collaborateurs à la sobriété.
L’énergie devient ainsi un indicateur de performance économique et environnementale, au même titre que la marge ou la productivité.
Des acteurs et outils au service d’un marché plus lisible
La complexité du marché de l’énergie pousse les entreprises à s’appuyer sur un écosystème élargi de spécialistes pour prendre des décisions éclairées.
En 2024, près d’une entreprise sur deux au Royaume-Uni a fait appel à un intervenant tiers (consultant, plateforme d’analyse ou fournisseur conseil) pour mieux comprendre les mécanismes de prix et les clauses contractuelles, selon Ofgem.
Cette dynamique s’étend progressivement à la France et à l’Europe continentale.
Cet écosystème inclut aujourd’hui :
- les fournisseurs historiques, qui complètent leurs offres par des solutions de pilotage de la consommation
- les bureaux d’études et consultants en stratégie énergétique, qui accompagnent les directions achats
- les agrégateurs et plateformes de données, qui analysent la consommation en temps réel
- et les solutions numériques de suivi, de comparaison et de planification des achats.
En France, le baromètre EY / EVOLEN 2024 montre que les entreprises recherchent avant tout des outils et des partenaires technologiques capables d’apporter à la fois expertise réglementaire, fiabilité des données et accompagnement décisionnel.
L’objectif : transformer la gestion énergétique en levier stratégique structuré, fondé sur l’analyse et la transparence.
Cette tendance confirme une évolution de fond : l’énergie n’est plus gérée à court terme, mais comme une fonction stratégique intégrée à la performance globale de l’entreprise.
Transition énergétique : un impératif économique et concurrentiel
La transition énergétique s’impose désormais comme un pilier des stratégies d’entreprise. Selon Ofgem, plus de 70 % des entreprises ont déjà mis en œuvre des actions de réduction de consommation, mais moins d’un quart ont réalisé des investissements lourds dans la décarbonation (production locale, récupération de chaleur, solaire, etc.).
Les freins restent principalement :
- le coût initial des projets
- la complexité administrative pour accéder aux aides
- et le manque de compétences internes pour piloter les programmes.
Pourtant, les bénéfices sont mesurables. Les entreprises ayant investi dans l’efficacité énergétique enregistrent en moyenne 12 à 18 % de réduction de leur consommation annuelle. À l’échelle européenne, le rapport ACER / CEER 2024 indique que les énergies renouvelables représentent désormais 44 % du mix électrique, contre 37 % en 2021.
En France, les investissements dans les capacités renouvelables ont progressé de +16 % en un an.
La décarbonation n’est donc plus seulement un impératif environnemental : elle devient un vecteur de compétitivité et de résilience.
Les entreprises les plus avancées l’intègrent à leur stratégie RSE, mais aussi à leur pilotage financier et à leur attractivité auprès des investisseurs sensibles aux critères ESG.
Un cadre européen en mutation
Au-delà des entreprises, le cadre réglementaire européen évolue rapidement pour soutenir la stabilité du marché et la transition.
La Commission européenne et l’ACER poursuivent la mise en œuvre du paquet Fit for 55 et des réformes du marché de l’électricité, visant à renforcer la transparence des prix, la sécurité des approvisionnements et la compétitivité des acteurs.
Les États membres adaptent leurs dispositifs nationaux : en France, la CRE et la DGEC encadrent les aides publiques, les appels d’offres renouvelables et les mécanismes de soutien aux entreprises exposées.
Ces évolutions traduisent une volonté commune : faire de l’énergie un pilier de souveraineté et de durabilité économique pour l’Union.
Pour les entreprises, cela implique une veille réglementaire accrue et une adaptation continue des stratégies d’achat, afin de tirer parti des dispositifs disponibles tout en anticipant les futures obligations.
Ce qu’il faut retenir
Le marché européen de l’énergie entre dans une phase de maturité et d’innovation. Les entreprises ne subissent plus les fluctuations : elles s’appuient sur la donnée, la régulation et l’expertise pour reprendre la main.
Trois grandes tendances structurent cette évolution :
- Une consommation maîtrisée et pilotée, grâce à la digitalisation et à la sensibilisation
interne
- Une décision éclairée par la donnée et les outils, permettant de comprendre et
d’anticiper le marché
- Une transition énergétique assumée, devenue un moteur de compétitivité et un
marqueur de responsabilité.
Dans ce contexte, la performance énergétique s’impose comme un atout stratégique majeur pour les entreprises européennes — un levier d’agilité, de conformité et de croissance durable.
Sources
- Businesses’ Experiences of the Energy Market 2024 – Ofgem / IFF Research
- Bilan énergétique de la France 2024 – Ministère de la Transition écologique
- Energy Prices and Costs in Europe – Commission européenne, 2024
- Key Developments in European Electricity Markets – ACER / CEER, 2024
- Panorama 2024 des entreprises françaises au service des acteurs de l’énergie – EY / EVOLEN